lettre à la Cour des Comptes régionale; (APPEV) (APPEL-Le Muy)Association Environnement Var
Le 13 janvier 2011
Monsieur B SCHWERER
Président de la Cour des Comptes PACA
17 rue de Pomègues
13295 Marseille
Monsieur le Président,
Les signataires de ce courrier souhaitent, ici, attirer l’attention de votre institution sur les
développements du projet d’infrastructure LGV « PACA », dont la réalisation ne pourrait que
compromettre l’équilibre, déjà précaire, des finances des diverses Collectivités locales impliquées.
Nos associations s’inscrivent résolument dans l’approche exposée il y a quelques années par M.
Philippe Séguin, alors Premier Président de la Cour des Comptes, qui souhaitait anticiper la bonne
utilisation des deniers publics dans une logique de contrôle d'opportunité a priori ainsi que dans une
logique de meilleure prise en compte des expériences passées et de la loi Grenelle 1 qui préconise
l’emploi de solutions alternatives plus économiques.
Résolument située à contre-courant des évidences d’une pensée unique, politique et médiatique,
notre analyse de la situation, au regard de l’utilisation des deniers publics, nous conduit à conclure à
l’inopportunité, mais aussi à la dangerosité financière de l’actuel projet de Ligne à Grande Vitesse
dans la Région Provence Alpes Côte d’Azur, dit « LGV PACA ».
Ce projet a fait l’objet d’un Débat Public organisé dans le cadre de la loi de février 2002 et clos le 8
juillet 2005 qui, bien que n’ayant pas définitivement conclu à l’opportunité d’une ligne LGV nouvelle, a
fort bien décrit les positions en présence et le rejet de ce projet par nombre d’associations. Nous
renvoyons aux conclusions du président de la Commission Particulière du Débat Public LGV PACA
(CPDP) : « avant de répondre à la question de l’opportunité d’une LGV, les participants au débat
souhaitent que le maître d’ouvrage et les élus prennent en compte leurs priorités et répondent à leurs
inquiétudes » (p. 54 du Compte Rendu du Débat Public, CPDP, 8 septembre 2005), il avait également
fait ressortir, selon les objectifs poursuivis, trois familles de projet et à son issue, les positions des
principaux acteurs sont résumées ainsi par la CNDP :
- dans les Alpes-Maritimes, il y a la demande d’une desserte la plus directe et la plus rapide
possible, principalement afin de renforcer l’économie touristique et de consacrer l’aéroport à un
développement international (le TGV jouant au passage, avec une gare à Nice-St-Augustin- un
rôle de rabattement en faveur de la croissance du transport aérien). Les prolongements vers
l’Italie sont également souhaités (mais ils ne peuvent être réalisés à grande vitesse).
Cependant, les habitants ont, depuis, changé de position et privilégient actuellement le transport
ferroviaire régional ;
- dans le Var, les positions ont été nettement plus diversifiées. Une partie du département et
l’agglomération de Toulon voulaient qu’une ligne nouvelle à grande vitesse favorise les conditions actuelles de desserte et renforce l’économie touristique. Mais une forte opposition au principe même de la grande vitesse s’est exprimée, particulièrement dans le centre et le nord du Var : la LGV est présentée comme ne bénéficiant qu’aux touristes, alors que l’intérêt général est de préserver la qualité des milieux naturels et agricoles et de ne plus favoriser l’afflux de population
faute de réponses apportées à la question des conditions d’accueil, notamment en termes
d’équipements et de gestion des espaces. Le secteur naturel de la Plaine des Maures, les 27 sites
Natura 2000 concernés, dont celui du Val de l’Argens ou le secteur agricole de St-Maximin-
Brignoles-Cuers font figure emblématique à cet égard ;
- dans les Bouches-du-Rhône, l’agglomération de Marseille a fait savoir dès le début qu’elle ne
pourrait pas accepter –entendre cofinancer- une ligne nouvelle qui ne passerait pas par Marseille,
car il n’était pas envisageable que la ville reste à l’écart de l’arc méditerranéen (au moins dans satraduction ferroviaire).
Cette position a été confortée par la communauté d’agglomération d’Aix-en-Provence qui a fait savoir son opposition au passage d’une ligne nouvelle sur son territoire
comme dans la Vallée de la Durance. Un tracé nouveau serait donc littoral au sortir de Marseille,
ce qui suscite naturellement des réactions d’inquiétude dans la zone concernée (vallée de
l’Huveaune) : certaines voix (Cuges) défendent alors le passage par le Nord d’Aix, saisissant
l’opportunité du projet industriel nucléaire Iter ; d’autres exigent des aménagements (Gémenos) ;
d’autres enfin se prononcent contre le principe même d’une LGV nouvelle (Aubagne).
Le débat Public n’ayant pas permis de clore définitivement les débats, le gouvernement a mandaté le
Médiateur COUSQUER, Ingénieur général des Ponts et Chaussée, afin de « déterminer les points
d’accord et d’analyser les divergences de vues entre les différents partenaires, et d’étudier la
faisabilité précise de chacun des scénarios et leurs différents facteurs de risques notamment
concernant l’environnement et ceux liés à la nature des ouvrages envisagés ».
Suite à cet ultime rapport, rendu public en juin 2009, le gouvernement a décidé, en juin 2010, de
lancer le projet dit « des métropoles du sud ».
Ce projet, à ce jour, prévoit de traverser 3 départements et de desservir notamment les
agglomérations de Marseille, Toulon et Nice. Il coûterait, selon le rapporteur « Cousquer », entre 14 et
20 milliards d’euros, à la charge principale du contribuable, pour une exploitation qui mettrait Nice à
environ 4h de Paris (contre un meilleur temps théorique actuel de 4h56) et serait effective et totale à
l’horizon 2030/2040.
Les conclusions du rapport COUSQUER et les décisions qu’il a généré ne font que ranimer les
craintes des observateurs avertis car non seulement il n’apporte aucune réponse aux principales
questions qui sont apparues lors du débat public mais il affiche désormais un coût prévisionnel de
plus de 20 milliards d’Euros si l’on intègre la liaison Nice / Vintimille indispensable à la théorie de
« l’arc méditerranéen » si chère aux promoteurs du projet.
A nos yeux, au-delà de la solution retenue, loin d’avoir fait reculer les interrogations nées du débat
public, l’évolution du dossier ne fait que renforcer les craintes des acteurs citoyens que nous sommes
et que nous pouvons résumer ainsi :
Concernant le plan de financement : La loi d’août 2004 interdit au maître d’ouvrage RFF de
participer à un projet au-delà des recettes de péage liées au trafic que l’exploitant du réseau peut en
attendre. Ainsi, la part de « l’usager » (qui correspond à la part des entreprises ferroviaires SNCF et
RFF) dans le financement est désormais tombée autour de 15-20% du coût des projets envisagés
aujourd’hui, le reste devant être payé par les contribuables, à travers les financements européens,
ceux de l’Etat ou des Collectivités territoriales, mais aussi à travers des PPP fructueux (puisque les
péages seront versés à l’emprunteur privé) pour des entreprises privées dont les emprunts de longue
durée à des taux élevés sont garantis par l’Etat. Les projets les plus rentables ont déjà été réalisés ou
sont en voie d’achèvement.
RFF et ses Tutelles réfléchissent depuis plusieurs années à de nouvelles techniques de financement
visant à donner une plus grande « souplesse » aux participations publiques. Par décret de décembre
2004, l’Agence de Financement des Infrastructures de Transports en France (AFITF) doit permettre
d’affecter des ressources certaines et pérennes aux grands projets et faciliter les montages nouveaux.
Le « contrat de partenariat » créé par l’ordonnance du 17 juin 2004 ouvre la voie à des financements
privés selon de nouvelles modalités de partage des risques, dans le but de réduire la part publique
dans les coûts d’investissement et d’exploitation, d’étaler dans le temps les paiements dus au cocontractant
et de transférer vers le partenaire privé certains risques liés à la conception, la
construction et l’exploitation de l’infrastructure.
Concernant la LGV PACA, le cadrage général a été présenté lors d’un atelier spécifiquement
consacré à la question. Les représentants de RFF, de la SNCF et de l’Etat ont confirmé que la part
des subventions publiques locales et nationales se situerait aux environs de 70% du coût du projet. Le
représentant du Corps des Ponts et Chaussées (Claude Gressier) a ensuite précisé que l’Etat
financerait probablement la moitié de cette part, ce qui correspond à un plafond de 35% du total, soit
environ 7 milliards d’euros.
On va voir qu’en pratique, le plafonnement de la part de l’Etat et les choix de l’Union Européenne vont
reporter l’essentiel du coût sur les Collectivités locales.
Si l’on raisonne sur la prévision de 20 milliards d’euros en dépense d’investissement, la part des
Collectivités locales peut être également estimée grossièrement à 7 milliards d’euros.
Pour 5 à 8 Collectivités territoriales potentiellement partenaires, dont les plus gros budgets
d’investissement sont actuellement de l’ordre de grandeur de 500 millions d’euros annuels (cas du
Conseil Général des Bouches-du-Rhône ; 400 millions pour le Conseil Général des Alpes-Maritimes
ou encore 150 millions pour la communauté de Marseille Provence Métropole), on mesure l’effort
considérable qui devra être celui des contribuables locaux.
Notons, au passage, que déjà 135 millions d’euros ont été dépensés pour les études sans que le
contribuable ait pu avoir la moindre information précise tant sur le résultat de ces études que sur la
ventilation des sommes engagées et que 86 millions supplémentaires ont été accordés pour de
« nouvelles études » en octobre 2009 par les co financeurs sans la moindre considération pour les
citoyens qui ne sont pas respectés.
Certains calculs, sans doute pessimistes, ont circulé, établissant à plusieurs milliers d’euros le poids
probable par foyer fiscal, ce qui ouvre, dans une période ou la dette des collectivités est une question
vitale, la question des arbitrages que ces dernières devraient opérer pour assurer la charge de leur
participation au projet.
Face à ces enjeux financiers, on peut estimer qu’un intérêt stratégique de premier ordre serait seul à
même de justifier la décision de participation et l’importance de l’effort qui sera consenti, ce qui
supposerait des orientations claires ainsi qu’une volonté cohérente de la part des représentants élus
des citoyens.
A ce jour, l’argumentaire des élus des Collectivités sur l’intérêt à financer est particulièrement varié.
En dehors des considérants purement communicants (liés à l’inéluctable progrès ou à la nécessaire
modernité), les considérants stratégiques usuellement admis devraient porter strictement sur le
domaine de l’aménagement du territoire, sur celui de la gestion des transports et sur celui de l’impact
socio-économique du projet. L’expérience montre toutefois une difficulté persistante à faire émerger
localement dans chacun de ces domaines une cohérence sur des objectifs partagés, pérennes et
crédibles.
Concernant l’aménagement du territoire, les rares tentatives historiques de mise en cohérence des
orientations et programmes des différentes Collectivités illustrent constamment la vigueur
prédominante des logiques de concurrence ou, à défaut, d’évitement, au détriment de toute approche
coordonnée ou réellement collaborative.
La volonté qu’a chacune de ces Collectivités de développer son attractivité propre est le principal
vecteur des politiques d’aménagement du territoire, ce qui conduit souvent à attirer sur son territoire
des activités ou projets prévus chez le voisin. Sur un plan technique, on constate localement que les
instruments juridiques que sont les DTA, les SCOT et les PLU sont développés de manière
particulièrement hétérogène selon les secteurs et l’on observe que les considérants politiques
partisans gouvernent généralement de manière très stricte les collaborations autour de contenus
fluctuants.
Les différentes ambitions en présence ont été très clairement illustrées par les positions prises par les
« grands élus » du Conseil Régional, des Conseils Généraux, des principales villes ou communautés
d’agglomération, tout au long du Débat Public, avant que ne s’opère in extremis le consensus rappelé
en début du présent rapport autour du scénario 1. Ce n’est ainsi que très tardivement que Nice a
semblé accepter l’idée que la ligne nouvelle puisse passer par Marseille, dès lors qu’il s’est avéré que
cette dernière était un financeur incontournable, sans le concours duquel le projet pouvait être
totalement remis en cause.
Au total, la LGV qui devrait être un outil au service d’une politique de transports résultant elle-même
d’une vision partagée de l’aménagement du territoire se présente ici comme une opportunité que
veulent saisir les Collectivités pour renforcer leurs avantages propres. L’outil précéderait ainsi
manifestement la réflexion sur son usage.
Concernant la politique des transports, la carence d’adéquation du projet aux besoins est plus
criant encore qu’en matière d’aménagement du territoire. Le sous-équipement ferroviaire de la Région
Provence-Alpes-Côte d’Azur est patent et notoire. La faiblesse de l’organisation des transports
collectifs est une donnée caractéristique de cette région - Au passage, on observe qu’aucun des
projets routiers ou autoroutiers actuellement déclarés n’est remis en cause dans la perspective de la
LGV, comme l’ont confirmé au cours du Débat Public les représentants de l’Etat et divers acteurs
impliqués dans ces domaines. Cela ôte, avec la découverte du fait que le TGV est complémentaire de
l’avion, toute pertinence à l’argument écologique selon lequel le TGV est préférable à la route ou à
l'avion. Il ne les concurrence pas ; il s’y ajoute simplement et participe à la très peu écologique
explosion de la consommation de transports.
Les besoins en transports dans la région consistent en une augmentation globale en termes
capacitaires, un meilleur report multimodal et une plus grande rapidité pour faciliter la mobilité
professionnelle intra-régionale.
Or ce n’est au mieux qu’en termes de conséquences secondaires du projet de LGV PACA que sont
abordées de telles perspectives. Ainsi de manière significative, le développement des TER entre Aixen-
Provence et Marseille ou entre Marseille, Toulon et Nice est présenté comme une simple
possibilité découlant de l’amélioration, sur de nombreux tronçons, de la voie classique.
Ainsi, se retrouverait-on dans la situation paradoxale où la participation directe des Collectivités au
projet de LGV viserait non pas à résoudre leurs problèmes directs mais à encourager un projet
particulièrement coûteux, présenté comme un préalable à la résolution des problèmes présents. En
période de rareté budgétaire, ce raisonnement a de quoi surprendre. On pourrait en effet tout au
contraire s’inquiéter du possible assèchement des finances des Collectivités au profit du seul TGV,
rendant définitivement illusoires les politiques de report modal qui sont pourtant appelées de leurs
voeux par la population tout comme par l’intégralité des acteurs qui ont diagnostiqué la situation
locale.
Concernant la politique socio-économique des départements concernés. Sur ce point, la LGV
PACA est vue généralement comme un moyen de renforcer divers mouvements de population avec
un solde positif pour les territoires impactés : l’économie touristique (avec la migration saisonnière
massive et les flux ponctuels hors-saison), le renforcement de l’installation d’habitants travaillant
ailleurs (découplage lieu de résidence/lieu de travail) et plus marginalement l’installation d’entreprises
quittant d’autres territoires pour s’établir au Sud, tous ces mouvements ayant des conséquences
jugées bénéfiques sur le commerce et les services locaux. Il s’agit clairement d’une vision du
développement économique fondée sur l’héliotropisme. La contrepartie en termes de surcoûts,
d’équipements, d’impact sur l’environnement (transports, déchets, consommation de l’espace) n’est
que rarement évoquée et mise en regard des bénéfices attendus de l’héliotropisme, comme si le
mouvement et la croissance étaient en soi bénéfiques et aptes à résorber tout impact négatif.
L’analyse des questions de migrations touristiques et professionnelles pourrait donner à réfléchir sur
ces évidences qui n’en sont pas. Ainsi, dans ce domaine, le développement du Var et des Alpes
Maritimes n’a évidemment rien à envier à celui des autres départements français ou à celui des
régions européennes voisines.
En effet, le Var présente l’un des taux annuel d’accroissement de la population le plus important de
France (+ de 1,10 % entre 1990 et 2004) et les nouveaux arrivants ne sont originaires qu’à 26 % de la
Région PACA. L’agglomération Toulonnaise comprenait 18 communes en 1990, 26 en 1999 et trois
agglomérations urbaines (au sens INSEE) ont fait leur apparition à l’est du département entre 1990 et
1999.
Le pari selon lequel la croissance résorbe les problèmes qu’elle engendre semble démenti par les
faits. Si, depuis le milieu de la décennie, le taux de chômage à Nice est relativement élevé (environ 10
% de la population active), il l’est encore plus à Marseille (+ de 14%), pourtant reliée depuis 10 ans au
réseau LGV et à Toulon (+ de12 %) qui peut d’ores et déjà être considérée comme étant reliée à ce
même réseau (le gain de temps de la nouvelle ligne serait dans le cas de Toulon de quelques
minutes, non compris le temps nécessaire pour se rendre dans la nouvelle gare excentrée qui serait
éventuellement construite à cette occasion).
Le poids des questions foncières et démographiques atteint maintenant un seuil de sensibilité
important sur la plupart des territoires de la région. On rappelle les cinq traits qui caractérisent la
question foncière dans cette région, bien résumés par l’Etablissement Public Foncier de la Région
PACA au cours du Débat Public :
- une consommation excessive d’espaces dans une région fortement contrainte,
- une forte concentration sur le littoral (90% de la population), présentant de graves
dysfonctionnements au premier rang desquels le logement pour « actifs », et… les transports
collectifs ;
- une extension progressive de cette pression foncière vers le moyen pays ;
- une paupérisation des centres anciens aussi bien sur le littoral que dans l’intérieur ;
- une évolution démographique qui reste importante dans les 25 ans à venir (d’après l’INSEE, la
population de la région devrait compter environ 1 million d’habitants supplémentaires en 2030).
Les charges des Collectivités augmentées par la pression démographique et les besoins
correspondants en termes d’espaces, d’infrastructures, équipements et services pour la population
posent cruellement le problème de la captation de nouvelles sources de revenus pour les acteurs
publics. En effet, les migrations de type touristique ou durable ont tendance à engendrer un revenu
marginalement décroissant et c’est finalement vers un problème de structure de financement que se
dirigent ces Collectivités, dont le territoire est « consommé » plus qu’il n’est valorisé. Dans l’actuel
contexte national de décentralisation et régionalisation, la situation devient critique.
La question financière autour du projet LGV PACA est d’autant plus lourde que, parallèlement de
nombreux grands investissements publics, indispensables au maintien du statut de première
destination touristique de France restent encore à réaliser.
Ainsi, sur la zone littorale le pourcentage de raccordement des habitations individuelles comme
collectives aux réseaux d’assainissement est très inférieur à ce que l’on est en droit d’attendre en
2011 d’un pays comme la France. De même les ressources budgétaires indispensables, dans les
prochaines années, à la mise en oeuvre d’un schéma de traitement des déchets ménagers efficace
semblent aujourd’hui nettement sous dimensionnées.
C’est dans un tel contexte que les Collectivités envisageraient de financer un outil qui aurait
pour conséquence d’améliorer l’accessibilité de ce territoire et, ce faisant, d’y accroître
d’évidence les tensions existantes.
En République, ce sont aux autorités élues et aux pouvoirs publics d’apprécier ces facteurs, peu
quantifiables, bien qu’ils soient à prendre en compte dans toute décision économique et financière
d’importance. Mais lorsqu’une partie de ces autorités semble manifestement sous-estimer la situation,
tout citoyen raisonnable et soucieux de l’intérêt général a le devoir d’alerter l’opinion ainsi que les
institutions qui, par leur hauteur de vue et dans le champ qui est le leur, pourraient favoriser un retour
à la lucidité.
C’est pourquoi, nos associations soutiennent que la LGV PACA apparaît principalement comme un
projet commercial d’entreprise (pour les uns), de prestige (pour les autres) mais très peu comme un
projet d’un intérêt socio-économique tel qu’il justifierait le recours à son financement massif par le
citoyen : il semble y avoir opposition entre l’intérêt de l’aménageur et l’intérêt général.
En dehors de l’argument consistant à dire « on n’arrête pas le progrès » -mais le progrès d’hier est-il
celui d’aujourd’hui ?-, les considérants stratégiques en matière d’aménagement du territoire, de
gestion des transports et d’impact socio-économique du projet semblent particulièrement ténus, voire
totalement contradictoires avec ce qui est projeté.
Ainsi de toute évidence, la difficulté persistante à faire émerger dans chacun de ces domaines une
cohérence sur des objectifs partagés, pérennes et crédibles dans cette région condamne, sans doute,
l’opportunité d’une participation financière aussi importante que celle qui est envisagée, quels que
soient les scénarios retenus.
Qui plus est, le caractère européen de la ligne LGV PACA, souvent mis en avant dans les
différentes communications de ses promoteurs ou de certains élus, semble peu établi dans les faits,
hormis sans doute dans l’aspect qui consiste à renforcer l’accessibilité du littoral méditerranéen
français aux habitants et touristes du Nord de l’Europe.
Une contradiction concrète apparaît même dans la communication générale relative à « l’arc latin »
(est/ouest) ou encore aux enjeux européens de la ligne rattachée au « corridor 5 » de l’Europe
(diagonale nord/sud): si le projet était européen, il serait anormal que la France en porte seule le
financement. Mais pas plus que l’Etat, l’Union Européenne n’a fait le choix d’investir significativement
sur cette ligne. La mention de la LGV PACA au CIADT de décembre 2003 doit être entendue comme
une autorisation de principe sous réserve de réalisation si les financements correspondants sont
réunis par l’aménageur. Pour l’Etat, le plus important critère de choix parmi ses 30 projets prioritaires
est la localisation du projet sur un axe transeuropéen majeur de transport, que le projet soit
« national » comme la LGV Tours-Bordeaux où qu’il soit transfrontalier comme la LGV Perpignan-
Figueras. C’est ce même caractère transfrontalier qui détermine le choix de l’Union dans ses
allocations de ressources. Or cette dernière a actualisé en 2004 le programme des liaisons
transfrontalières prioritaires (initié en 1994) et l’axe Gênes-Marseille n’y figure pas. La priorité donnée
à l’axe Lyon-Turin éclaire ce choix. Il est probable en outre que les immenses difficultés techniques
soulevées par la réalisation d’une ligne dans la conurbation des Alpes-Maritimes, qui plus est sur un
relief très accidenté (identique à celui de la Riviera italienne) et dans un secteur où le prix du foncier
est particulièrement élevé sont de nature à dissuader les aménageurs d’infrastructures linéaires
lourdes. De plus, la réalité des échanges économiques et socio-culturels entre des villes qui
apparaissent plus concurrentes que partenaires a probablement joué dans ce choix, que l’Union
n’explicite toutefois dans aucun document à notre connaissance. Perdant le caractère transfrontalier
européen, la ligne LGV PACA perd également son caractère prioritaire aux yeux de l’Etat français
Ainsi, de toute évidence, le coût estimé pour ce projet, son absence d’impératif stratégique, voire, son
déphasage face aux besoins réels de la région PACA en terme de transports et de déplacement et
son financement à ce stade très incertain mériteraient un appel à la sagesse et à la prise de recul.
Cette même sagesse et prise de recul qui voudrait que soit renforcé le contrôle d'opportunité de la
dépense publique et renforcé également le fait de tirer enseignement des expériences et rapports
passés.
Persuadés qu'une telle avancée pour l'intérêt général pourrait être favorisée par vous, nous nous
tenons à votre entière disposition pour toute information complémentaire et nous vous prions d’agréer,
Monsieur le Président, l’expression de notre profonde considération.
Association Pour la Protection de l’environnement de Vidauban (APPEV)
Association Environnement Var
Association Pour la Protection de l’Environnement Local au Muy (APPEL-Le Muy)
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